TEMOIGNAGE. Laura De, jeune étudiante en philosophie à l’université de Louvain-la-Neuve, a été victime d’un harcèlement virtuel très violent après avoir posté une photo de profil où elle n’est pas épilée. Laura, à seulement 21 ans, est déjà très engagée et féministe et décide de se lancer dans un shooting contre le bodyshaming. Sur la photo postée, aisselles non épilées, Laura veut montrer à toutes les femmes que l’épilation est un choix personnel et non une obligation. Une réaction violente sur les réseaux sociaux découle de cette publication, entre insultes et critiques, simplement parce que Laura a décidé d’assumer son corps et de faire ses propres choix sans suivre la norme que la société voudrait imposer. Voici son témoignage.
« L’histoire commence le 15 août lorsque je change ma photo de profil pour une photo d’un de mes shooting contre le bodyshaming. Sur la photo, je suis volontairement non épilée, au naturel. La photo vient d’une série appelée « Black Cotton » qui a pour but un retour au naturel, à la simplicité, à l’amour du corps. En faisant ce shooting à l’époque j’ai dans l’idée de soulever la question de « Pourquoi les modèles sont toujours épilées ? », « Pourquoi une sortie de la norme du glabre est vue comme quelque chose d’illégitime uniquement chez les filles ? ». Je voulais relever le sexisme ordinaire et prôner contre cela un principe : Mon corps, mes choix.
De là, commence une série de messages privés me disant que ma photo de profil est choquante, que je devrais la retirer. Je n’y prête pas attention.
Le 26 août en soirée, une amie m’envoie une capture d’écran. J’y vois ma photo de profil sur un groupe de plus de 100 000 personnes, avec une trentaine d’insultes en quelques minutes.
D’abord un peu prise de panique devant une telle violence. Je me raisonne et décide de contacter l’individu à l’origine de la publication. Il me répond « Quand tu sors de la norme et que tu t’exposes au public, il est légitime qu’on vienne t’agresser ». Cette phrase, à elle seule, représente bien un vice actuel de notre société patriarcale : les victimes sont blâmées plus que les agresseurs. Nous sommes dans le même raisonnement où une fille victime d’une agression dans la rue serait soi-disant responsable car elle aurait « provoqué » rien qu’en se baladant tranquillement dans l’espace public. A mon sens, ce sont les agresseurs qui doivent changer de comportement, pas les victimes qui doivent se cacher.
J’hésitais à faire quelque chose en voyant ma photo se faire invectiver sur plusieurs groupes. Connaissant le chiffre de non dépôt de plainte par les femmes agressées (94 % ne portent pas plainte), cela me semblait une victoire des agresseurs que je ne fasse rien.
Ainsi, je décide alors de contacter « Répondons » et « Les féministes par inadvertance », deux groupes féministes spécialisés dans le harcèlement, qu’il soit de rue ou virtuel. En quelques heures, je vois des centaines de personnes venir défendre les droits à disposer librement de son corps, sous mes photos, dans les groupes où sont publiées mes photos. Mes agresseurs, pris de panique, battent tous en retraite.
J’écris alors un message de remerciement sur Facebook qui se voit partagé 5000 fois et récolte 16 000 like. Je comprends alors que j’ai relevé un problème de société qui est trop souvent mis sous le tapis : le sexisme et le bodyshaming. Je décide plus tard de publier une photo de mon aisselle rasée (photo prise quelques mois auparavant), afin de montrer que mon shooting photo ne voulait pas discriminer les femmes qui se rasent mais bien prôner le « pro-choix », c’est à dire mettre en avant la légitimité du principe « My body, my choice », qui devrait être de rigueur mais qui, en 2016, dans nos régions belges et françaises, ne l’est pas toujours. »
Témoignage de Laura De, recueilli par Cassandre Leray.