ENVIRONNEMENT. La vie offre parfois des choix bien difficiles, et n’est-il pas du plus difficile que de différencier tous les carburants qui s’offrent à vous dans une station essence ? Si « SP95-E10 » ou « super éthanol » ne vous disent rien, cet article saura vous éclairer. Et plus encore, il saura faire de vous un conducteur écologiquement responsable mais tout aussi inquiet de sa maigre fortune. Worldzine a goûté tous les carburants et vous aide a faire un compromis entre l’écologique et l’économique.
Le GPL : le carburant le plus économique mais qui n’intéresse personne
Commençons par le moins cher : le GPL. Affiché autour de 70 centimes au litre il peut faire rêver. Le GPL – Gaz de pétrole liquéfié, est fait de deux principaux gaz : le propane et le butane (les mêmes que dans nos briquets). Il n’y a pas de voitures qui roulent uniquement au GPL, elles ont toujours deux réservoirs, un de GPL et un d’essence. Le GPL se trouve dans environ une station sur sept en France. En cas de panne de GPL la voiture passe sur son réservoir essence. La plupart des voitures sont convertibles en GPL : pour 1500 à 3000€ un kit GPL peut vous être installé par un spécialiste. Le GPL est le moins polluant des carburants, il n’émet pas de particules fines (ces même particules qui sortent à foison des moteurs diesel et qui s’insinuent au plus profond de vos poumons !) et peu de CO2. Autre avantage : un véhicule GPL est répertorié de classe 1 sur les vignettes Crit’air. Lors des pics de pollutions aucune restriction ne leurs est donc appliquée.
Aux débuts du GPL, un réservoir encombrant occupait le coffre mais maintenant il se loge discrètement à la place de la roue de secours. En 1999 des séries d’explosions de véhicules GPL sèment le doute sur leur fiabilité. Depuis ces incidents, l’installation d’une soupape de sécurité et d’un clapet anti-retours a été rendue obligatoire et ce genre d’incident ne se produit plus.
La France est très en retard en matière de GPL. Sur les 14 millions de véhicules GPL circulant en Europe, seul 262 000 sont français. Pourtant en 2008, 100 000 véhicules GPL avaient été vendus (en comparaison c’est presque le nombre de Clio vendues en 2016). Et pour cause : l’État avait mis en place un bonus de 2000€ sur la motorisation GPL. Depuis, ce bonus a été supprimé et seul 1500 véhicules GPL ont étés vendus en 2015.
Les concessionnaires ne s’intéressent pas non plus au GPL, ni Volkswagen, ni Renault, ni Peugeot ne distribuent de modèles GPL. Ils sont davantage tournés vers les véhicules électriques qui polluent encore moins.
Ce qui expliquerait que le GPL ne séduit pas alors qu’il semble être le carburant rêvé ? Une mauvaise réputation due aux quelques premiers modèles qui ont explosé et aux panneaux obsolètes qui interdisent aux véhicules GPL l’accès aux parkings. Depuis 2006 les parkings publics doivent autoriser sans réserve leur accès aux véhicules GPL.
L’E-10, le petit cousin de l’essence écolo et pas cher
Si vous roulez à l’essence vous remarquerez la multitude de carburants qui s’offrent à vous : sans plomb 98, sans plomb 95 et sans plomb 95-E10. Économe que vous êtes vous choisissez le moins cher (entre 1.2€ et 1.4€ le litre) et en même temps vous faites un geste pour la planète ! En effet le SP95-E10 (surnommé E-10) est un mélange de sans plomb 95 et de (comme son nom l’indique) 10 % d’éthanol. Cet éthanol est produit à partir de la fermentation et distillation de betterave, maïs, canne à sucre ou de blé. L’avantage est de moins puiser dans les énergies fossiles comme le pétrole, en faveur de ces agroénergies. Pour inciter le consommateur que vous êtes à choisir ce carburant, l’État a mis en place une plus faible taxation sur l’E10 que sur les autres types d’essence, ce qui explique son faible prix. Ce carburant est apparu en France depuis 2009. Les véhicules essence en circulation depuis 2000 sont compatibles avec ce carburant.
Mais ce carburant fait polémique : il entraînerait une consommation de 1 à 2 % de plus que l’essence classique. A long terme, l’E10 est censé remplacer le sans plomb 95. Certains y voient un handicap pour les propriétaires de voitures construites avant 2000, les condamnant à utiliser du sans plomb 98, plus cher. L’E10 est aussi accusé de ne pas être si écolo que ça : sa transformation pour l’incorporer à l’essence nécessite beaucoup d’énergie et de produits chimiques. Au final son bilan énergétique serait aussi mauvais que celui de l’essence classique. Certaines études prévoient même qu’à long terme, ce carburant serait aussi néfaste que l’essence classique en matière de qualité de l’air et de santé. On l’accuse aussi d’encourager une agriculture intensive provoquant une forte déforestation (surtout au Brésil) et usant de beaucoup de pesticides. Ce qui irait à l’encontre du caractère écologique que prône ce carburant.
Le super éthanol E85, le plus écologique et économique
Entre 0,5€ et 1,3€ le litre, le super éthanol fonctionne sur le même principe que l’E10 mais présente 65 à 85 % d’éthanol dans l’essence. L’utilisation d’énergie issue de produits agricoles (agroénergie) est encore plus importante que dans l’E10 et utilise donc moins d’énergies fossiles. Le super éthanol est apparu depuis 2007. Fin 2015 on comptait 700 stations distribuant du super éthanol en France.
L’éthanol est plus corrosif que l’essence. Sa présence étant plus forte que dans l’E10 il est conseillé d’installer un kit « Fuel Flex » pour rouler au super éthanol. Son installation va de 300€ pour les moteurs 4 cylindres à 800€ pour les 12 cylindres. L’acquisition de ce kit ne vous empêche pas de rouler au sans plomb 98, 95 ou E10. Quelques marques vendent des modèles de véhicules directement compatibles au super éthanol. Certains petits rebelles disposant de voitures pas trop vieilles (après 2009) ont décidé de rouler progressivement au super éthanol sans installer de kit et n’ont pas eu de problèmes particuliers. Mais il faut tout de même s’attendre à avoir une voiture qui cale au démarrage, qui démarre au troisième tour de clé ou qui a du mal à tourner au ralenti. Il est plus avantageux d’acquérir un véhicule roulant au super éthanol qu’au Diesel : les coûts d’entretiens et d’achat du carburant sont 20 à 30 % plus faible. Le Diesel émet aussi davantage de particules fines qu’une voiture utilisant du super éthanol.
Mais ce carburant souffre des mêmes critiques que sont petit frère l’E10 : il entraînerait une agriculture intensive et pleine de pesticides. Même l’ONU s’en est mêlé et a demandé à l’Union Européenne d’abandonner son objectif d’atteindre 10 % d’agrocarburants en 2020. En effet l’ONU déclare que la production de super éthanol entre en concurrence avec celle des céréales dont le stock mondial est déjà très bas. Par exemple aux États-Unis, tous les ans 40 % de la production de maïs est littéralement brûlée pour la production de super éthanol. On accuse aussi ces agroénergies de faire monter le prix des aliments concernés.
L’ED95, le petit nouveau qui doit faire ses preuves
L’ED95 est composé à 95 % d’éthanol (issu principalement du raisin) et de 5 % d’additifs chimiques (mais pas de produits pétroliers). Son utilisation est autorisée est France depuis 2016, là encore elle a du retard : La ville de Stockholm l’utilise depuis plus de 20 ans. Son utilisation est très peu répandue et exclusivement réservée aux poids-lourds. Seul 1000 véhicules dans le monde fonctionnent à l’ED95, dont 600 en Suède. Son gros avantage : les poids lourds roulants au Diesel peuvent l’utiliser (donc la grande majorité des poids lourds). Son prix est proche de celui du Diesel (entre 0.8 et 1€) et a de meilleures performances environnementales que celui-ci. L’ED95 serait donc une alternative plus écologique pour les poids lourds, ceux-ci étant souvent critiqués pour leur consommation excessive en Diesel, fort émetteur de particules fines.
Cependant, aucune station service ne proposent ce carburant en France, c’est donc directement sur leur lieu de travail que les camions doivent faire le plein. De plus, avec un plein d’ED95 on roulerait moins qu’avec un plein de Diesel. Et puis bon, à moins que votre passion soit de vous promener avec un 35 tonnes, vous risquez de ne jamais croiser ce carburant.
Et le Diesel dans l’histoire ?
On a parlé jusque-là de carburants compatibles uniquement avec les moteurs essence. Mais si vous roulez en Diesel, me direz-vous ? Et bien il existe un « biodiesel », en France, on l’appelle Diester, du nom de l’entreprise qui le fabrique. Ce biodiesel est issu de la… transestérification (23 points au scrabble) du colza et du tournesol. Ces fleurs sont en fait transformées en huile puis cette huile est mélangée au Diesel normal. Cependant vous ne trouverez pas une pompe « Biodiesel » dans une station service. Le biodiesel est directement incorporé à hauteur de 8 % dans le diesel de toutes les stations services. Une exception est faite pour certaines flottes professionnelles (bus, ramassage des ordures, camions…) qui peuvent choisir de rouler à 30 % de biodiesel. C’est le cas de certains bus de la RATP.
Le débat est toujours le même concernant les agrocarburants, on accuse le colza et le tournesol d’être un produit d’abord à vocation alimentaire et que l’utilisation de parcelle à vocation industrielle réduit la quantité alimentaire et fait donc augmenter son prix. Le biodiesel est intéressant économiquement car sa transformation génère des sous-produits tel que le tourteau et la glycérine. Le premier est utilisé pour l’alimentation animale et le deuxième en cosmétique et pharmacie.
Les biocarburants sont donc des solutions à court-terme pour lutter contre l’utilisation d’énergies fossiles et les émissions de gaz à effet de serre. Ils ont le bénéfice de réduire notre dépendance énergétique et devraient, dans le contexte pétrolier actuel, être amenés à se développer. Mais à long terme ces agrocarburants ne sauront répondre aux exigences environnementales. Pour des solutions plus durables ne faudrait-il pas se tourner vers les voitures électriques ? D’ici-là, faites du vélo !