Vendredi 2 novembre, près de 50 personnes se sont rassemblées à Amiens. Comme partout en France, les manifestants ont répondu à l’appel lancé par l’association « Nous voulons des coquelicots ». Josiane Lavallard a témoigné en tant que victime des pesticides.
« Il faut se battre, faire savoir ce que causent les pesticides, lance Josiane Lavallard d’une voix frêle, devant la cinquantaine de personnes. Nous ne sommes pas contre les cultivateurs mais j’aimerais qu’ils fassent attention pour une culture raisonnée. » La foule s’est agglutinée dans le froid amiénois qu’on croirait hivernal. « Préservons la faune, la flore et l’humain, poursuit la retraitée, expliquant être victime des pesticides. Vivement le retour des coccinelles et des abeilles. » Les militants appellent à se rassembler le premier vendredi de chaque mois devant les mairies. Pablo Toledo est l’un des organisateur à Amiens. « Le 2 novembre c’est le deuxième rassemblement contre les pesticides, dans plusieurs villes en France, explique-il. Le mouvement a été lancé par l’association Nous voulons des coquelicots à Paris. » Un appel à la résistance contre les pesticides dont Fabrice Nicolino, journaliste à Charlie Hebdo est l’un des initiateurs.
« Tout a été pollué chez nous »
La nuit est tombée rapidement, si bien que les manifestants se retrouvent plongés dans l’ombre, heureusement éclairés par les lumières joyeuses d’un manège tournoyant à quelques mètres. Josiane Lavallard est venue avec son mari Marc pour ce rassemblement à Amiens. Elle voulait y trouver un peu de réconfort ou du moins de la chaleur humaine. Lorsqu’elle est invitée à prendre la parole devant la petite foule, elle ne s’y attend pas. Une main lui a tendu le micro pour qu’elle témoigne mais elle n’a rien préparé. La petite femme, les yeux à demi clos, s’excuse de sa fatigue avant d’entamer son témoignage. « Le vendredi 18 mai, j’ai vu un cultivateur traiter depuis son tracteur avec un tuyau, à flot. »
« C’est interdit d’après la loi. » Selon le couple, le cultivateur a traité le chemin communal et son morceau de terrain mais à la limite de chez eux. « Tout a été pollué chez nous » déplore Josiane Lavallard. Elle livre ses sentiments, un bout de son histoire et sa colère. Une colère encore brulante, s’approchant bientôt de l’accablement. Elle ne semble pas tellement réfléchir : la sincérité prime dans son discours. Son angoisse se fait également ressentir.
Une analyse de cheveux pour preuve ?
Sa voix tremble, déjà moins que sa main qui peine à tenir le micro bien droit pour se faire entendre. « Nous n’avions pas remarqué les autres années mais cette fois-ci, nous avons mal supporté » raconte Marc. Josiane Lavallard poursuit : « le mardi 23 mai en touchant un pot de fleur je me suis sentie mal. Au fil des heures, j’était de plus en plus mal. » Puis lorsqu’elle quitte sa maison, les symptômes s’estompent. Mais dès qu’elle retourne dans sa propriété, ils réapparaissent. C’est comme cela qu’elle a pu faire le lien avec les pesticides. « Les yeux pleurent, les yeux piquent, coulent. J’ai eu des nausées, des enflements, des problèmes de respiration… » L’énumération est longue. Les quinze jours suivants, ils dorment dans leur voiture, avant de se décider à aller chez leur fils, le 14 juillet. Depuis le couple a fait analyser ses cheveux dans un laboratoire, au prix de 600 euros. Ils attendent prochainement les résultats.
Aujourd’hui, la vente de pesticides, herbicides et produits phytosanitaires est chapeautée par des industriels puissants tel que Bayer. L’agriculture dite conventionnelle reste majoritaire en France. Le premier janvier 2017, 453 113 exploitations agricoles, tous types d’agriculture confondus, sont recensées en France. Parmi elles, 54 044 opérateurs étaient engagés en agriculture biologique en 2017 selon l’Agence Française pour le développement et la promotion de l’Agriculture biologique.
Près de 600 rassemblements en France
Rapidement, les citoyens se sont emparés de la démarche. Près de 600 rassemblements ont eu lieu dans toute la France samedi dernier. Les revendications sont précises : l’arrêt des pesticides, pour une terre plus propre. Pour une nature dépolluée. Pour que les coquelicots puissent y pousser sans problème. Sur la place de l’hôtel de ville d’Amiens, deux ou trois pancartes se distinguent parmi la petite foule. On peut lire « Nous voulons des coquelicots ». Un couple a ramené ses drapeaux Picardie Debout.
Une femme porte un béret rouge. Devant elle, un homme a revêtu son poncho de pluie, aux mêmes teintes. Un pull par ci, une écharpe par là… les manifestants ont tenté d’apporter cette touche de rouge sur leurs vêtements. Certains ont accroché un badge en forme de coquelicot à leur manteau. Il y en a même qui ont ramenés des fleurs, rouges. Rouges comme l’hôtel de ville, illuminé. Belle et hasardeuse synchronisation.