CINEMA. Projeté dans le cadre du London BFI Film Festival 2019, La Belle époque de Nicolas Bedos semble faire référence à l’âge d’or que vit le réalisateur plus encore qu’à son film. Le réalisateur et scénariste signe un métrage méchamment drôle au rythme effréné. Une histoire dont on ne sait quoi retenir.
Victor (Daniel Auteuil), mari désabusé, cynique, las et dessinateur au chômage, se voit offrir un voyage immersif dans l’époque de son choix. Un concept novateur où comédiens, lumières, décors, empruntent au cinéma sa magie (mais aussi son budget). Meurtri par l’essoufflement de son couple, Victor choisit de revivre la rencontre avec son épouse Marianne (Fanny Ardant) dans les années 1970. La comédienne qui en porte l’interprétation (Doria Tillier) l’emporte dans un voyage qui le transforme.
Réalisation esthétique, dialogues percutants, on retrouve dans la belle époque l’énergie et la maîtrise dont Bedos avait fait la démonstration dans Monsieur et Madame Adelman. L’érosion du couple, la nostalgie de ses débuts, la peur de vieillir sont d’ailleurs des thèmes réinvestis dans ce second long-métrage.
Un casting à son plein potentiel
Avec un casting à la hauteur des ambitions d’un scénario qui multiplie les mises en abime, Nicolas Bedos réaffirme son importance croissante dans le cinéma français. Fanny Ardant, Daniel Auteuil, Doria Tillier, Guillaume Canet, Pierre Arditi et Denis Podalydès, rien n’est trop grand pour celui qui, il y a quelques années déjà, était chroniqueur pour On n’est pas couché ! sur France 2.
Et si Bedos vient chercher les grands du cinéma français, c’est pour les mener avec virtuosité vers de nouveaux terrains de jeu. Il est quelque chose de flagrant dans La Belle Époque : Nicolas Bedos aime ses acteurs et ses actrices. On pensera bien-sûr à Fanny Ardant dont la folie destructrice se lit dans les détails, les regards. Tantôt cynique, tantôt bouleversée, toujours attachante. Daniel Auteuil, quant à lui, revisite le personnage de sexagénaire coincé qu’on lui connaît trop bien dans un registre plus touchant. La nostalgie prend le pas sur l’amertume. Doria Tillier nous emporte, irrévérencieuse, empathique et insaisissable dans une série de personnages que la justesse rassemble. Enfin, la performance de Canet en bon scénariste mégalomane et amant toxique reste à saluer.
Une histoire expéditive
Si les personnages sont nombreux, c’est que l’histoire a elle-même tendance à éclater en différents univers. Malgré une écriture très théâtrale où les intrigues se superposent, la confusion s’installe parfois. Pire encore, la frustration face à des histoires expéditives, des personnages sous-développés. On ne peut que soupçonner l’étendu du champ des possibles d’un tel dispositif immersif. La jouissance de voir le personnage d’Auteuil gifler Hitler en pleine conférence de Munich est la preuve que l’absurde se mélange trop bien à l’humour noir pour se voir si vite évincer.
Nicolas Bedos survole les plateaux de tournage à merveille en nous laissant croire que tout ce qui nous est montré est vrai. Les scènes étourdissantes ne manquent pas de nous désorienter : tout n’est que spectacle dans le spectacle. Pourtant, ce tout semble trop cadré. Trop lisse. Rien de plus appréciable quand il s’agit des couleurs auxquelles un soin précieux est offert. Quand il s’agit d’une narration, ce qui est efficace devient expéditif.
Un mélange des genres déséquilibré
De cette comédie tragique, on ressortira avec le sourire quand bien même ce qui se jouait était sensiblement plus profond. Même s’ils sont intelligemment apportés, même s’ils sont hilarants, les gags en viennent à effacer l’enjeu initial : l’érosion du couple. Les répliques incisives à s’en décrocher la mâchoire nous laissent finalement bouches bées. Si le mélange des genres avait indéniablement investi Monsieur et Madame Adelman d’une puissance émotionnelle rare, il est ici plus maladroit. La Belle Époque est indéniablement un beau moment de cinéma dont le principal problème restera sa brièveté.