CINEMA. Sorti le 28 août dernier en France, Vif-Argent faisait ce dimanche 10 novembre sa première britannique. Un film audacieux, une revisite pertinente du thème de la frontière, celle entre la vie et la mort, et de sa porosité. Sans être novateur, le long-métrage de Stéphane Batut expérimente, cache l’évidence et montre l’invisible. Pourtant, en sortant de la salle, on ne sait quoi en retirer.
Juste (Thimothée Robart), jeune garçon énigmatique, n’apparaît qu’aux yeux de celles et ceux sur le point de passer dans l’au-delà. Il est un passeur. En échange d’un souvenir, il les accompagne loin du monde des vivants. En rencontrant Agathe (Judith Chemla), Juste est rappelé à un passé qui ne semble pas être le sien. Plus troublant encore, Agathe qui est bel et bien vivante le voit. Émerge doucement une histoire d’amour à cheval entre rêve et réalité.
Présenté dans la sélection Acid du festival de Cannes, Vif-Argent affirme des ambitions thématiques que son scénario dispersé peine à satisfaire. Le tout se révèle frustrant. Le texte s’accompagne d’une esthétique hésitant. Si la nuit invente dans ces tons rouges et bleus un univers mystique, qui fait sens dans ce film de science-fiction, certains plans n’auraient pas dû voir le jour tant la balance des couleurs semble hasardeuse.
Un long-métrage humain
Il n’en reste pas moins que sur de nombreux plans, Vif-Argent reste rafraîchissant. D’abord, il est un film de genre, ce qui dans le paysage audiovisuel français est un ovni. C’est aussi un long-métrage qui sait montrer un Paris que le cinéma ignore trop souvent. Entre 18 et 19ème arrondissements, on retrouve sans peine les thématiques du visible, de l’invisible dans le choix même des décors. Un film qui célèbre une diversité, celle des parcours, des émotions. En se réappropriant les codes du documentaire (son précédant long-métrage Le rappel des oiseaux en était un), Batut nourrit son scénario d’un ensemble de micro-histoires. Un film humain en somme. Mais ça ne suffit pas.
Un entre-deux qui incommode
L’empathie n’est pas envisageable, pas plus que l’identification, le personnage est à la fois insaisissable et lui-même confus. Cet entre-deux laisse un sentiment d’insatisfaction face à un film qui trop souvent ne semble pas faire de choix. L’invisibilité est tantôt jouée, tantôt portée par des effets spéciaux auxquels on peine à croire. L’approche réaliste des rapports et la recherche de cohérence et de vraisemblance se heurtent à des rôles allégoriques comme celui du jugement dernier.
Le film prend le parti dans un premier temps de nous mener de souvenirs en souvenirs pour laisser des hommes, des femmes passer « de l’autre côté ». Puis, Vif-Argent prend le virage d’une histoire d’amour désordre qui ne semble exister que dans les mots, tant le jeu peine à la soutenir. La faute à un texte trop souvent explicatif mais aussi à un casting dont la palette de jeu semble contrainte par la linéarité des personnages.
Il semble que la carrière professionnelle de Stéphane Batut en tant que directeur de casting soit un vrai plus dans ses réalisations. On regrettera néanmoins que les ambitions initiales se soient confondues bien plus que concrétisées.