SOCIÉTÉ. Le recours à un menu unique sans viande dans les cantines lyonnaises, entre le 22 février et le 2 avril 2021, a suscité un vif débat politique. WorldZine est allé à Lyon à la rencontre de parents d’élèves aux avis divergents sur la question.
Ce menu sans viande, respectant les goûts et habitudes alimentaires des enfants, était présenté par la mairie de Lyon comme un outil indispensable pour respecter le protocole sanitaire, visant à limiter la propagation du virus dans les écoles. L’option choisie garantirait les deux mètres de distance obligatoire entre chaque enfant. Elle permettrait surtout de faire manger les élèves dans un court laps de temps et donc d’enchaîner rapidement les services.
Mais tous les parents n’ont visiblement pas eu connaissance, en amont, de la mesure. Une mère d’élèves scolarisés dans le 6ème arrondissement lyonnais affirme d’ailleurs avoir reçu un mail de l’école, annonçant la mise en place immédiate de ce nouveau programme alimentaire. Dans le 5ème arrondissement, une autre surenchérit, elle déclare avoir « découvert dans les médias » la mesure, ce qui ne l’a « pas dérangée ». Mais d’autres n’ont été prévenus que bien plus tard. Une autre maman confirme quant à elle avoir reçu l’information, après l’entrée en vigueur de la mesure. Pour celle-ci, l’absence de consultation passe mal : « Je ne sais pas quelle est la genèse de ce choix. »
Des parents partagés et dubitatifs
Certains parents affirment ne pas comprendre la polémique suscitée par le retour du menu unique. Une mère d’élève établie dans le 6ème arrondissement nous fait part de sa stupeur. « Je suis surprise que des parents trouvent cela très grave de ne pas donner de la viande à leurs enfants pendant six semaines », notamment de la part de parents dont « les enfants n’ont aucun problème nutritionnel ». Celle-ci poursuit en expliquant que la même mesure prise en 2020 par l’ancien maire Gérard Collomb, alors en pleine crise sanitaire, n’avait pas fait grand bruit car « personne n’en avait eu connaissance ».
Les parents interrogés affirment ne pas avoir été choqués par la mesure compte tenu de la situation sanitaire. « Si pour faciliter l’organisation des personnes qui travaillent avec les enfants au quotidien, on fait un menu unique qui convient à tout le monde et qui ne porte pas atteinte aux sensibilités de chacun, je trouve que c’est une bonne idée », rétorque une mère de famille habitant le 5ème arrondissement. Une autre voit dans ce recours au menu sans viande un moyen de permettre aux enfants de manger en même temps. « Ce dont personne ne parle, c’est que sur les 14 classes du groupe scolaire (où sont scolarisés ses enfants, NDLR), trois sont délocalisées et vont manger dans une autre école. Et une classe par jour a un repas froid dans une autre salle. »
D’autres parents émettent des doutes quant à l’efficacité de la démarche du maire écologiste Grégory Doucet. Une mère pense que pérenniser dans le temps cette mesure mettrait en danger la liberté de chacun : « Je peux comprendre qu’il y ait d’autres familles qui ne souhaitent pas avoir de viande tous les jours et c’est leur droit. Mais il faut un équilibre et un respect de l’avis de chacun. » Un parent dans la crainte de voir la mesure se prolonger pour des raisons qu’elle juge « dogmatiques » : « Tenir des mesures comme celles-ci, sous couvert d’une crise Covid, pour la pérenniser dans le temps, ça me gênerait éthiquement parlant. »
Entre liberté de chacun et alimentation de qualité, quel consensus ?
Si l’inscription d’une telle mesure dans la durée est loin d’être du goût de tout le monde, l’ensemble des parents avec qui WorldZine a échangé se montre favorable à une réintroduction de la viande, via le choix de menus « à la carte, pour que chaque parent puisse choisir pour son enfant ». La plupart admet ne pas être directement affectée par une telle mesure, mais craint pour la santé d’enfants « qui vont peut-être ressentir le manque et la différence ». Car « la viande apporte des protéines, et dans certaines familles les enfants ne peuvent pas en manger, pour une question de budget », souligne un parent lyonnais.
Tous souhaiteraient cependant que cette réintroduction s’opère au profit d’une viande de qualité, locale qui plus est. Pour le moment, le repas sans viande n’est « pas satisfaisant » aux yeux de certains ménages, puisque la source de protéine est remplacée par du poisson de maigre qualité. Une mère lance : « Bien sûr que je suis d’accord pour que mon enfant mange moins, mais mieux ! » Les parents se disent soucieux des questions liées au développement durable. Cet état d’esprit n’est pas nouveau : il y a deux ans, des parents d’élèves avaient pris l’initiative de s’engager pour la suppression des barquettes plastiques dans les cantines scolaires.
Face à la polémique qu’a suscité l’instauration de repas sans viande, la mairie de Lyon a fait le choix de réintégrer progressivement cet aliment. Et ce, malgré le protocole sanitaire en vigueur. Depuis le 26 avril, un plat chaud avec de la viande est proposé une fois par semaine. Afin de conserver les dix minutes gagnées par service depuis la mise en place des menus dépourvus de viande, les enfants ne pourront toutefois pas avoir d’entrée lors des repas carnés. Une mesure qui semble donc se rapprocher du compromis mis en lumière par les parents interrogés.