ÉCOLOGIE. Le 9 mai 2021, plus de 100 000 manifestants arpentaient les rues françaises en réponse au projet de loi Climat et résilience, adopté en première lecture le 4 mai 2021 à l’Assemblée nationale. Face à cette ébauche législative, perçue comme un « désaveu » chez la plupart des écologistes, manifestants et organisateurs de ces marches sans précédent exigent « une vraie loi climat ». Et ne manquent pas de le revendiquer sur leurs pancartes. WorldZine est allé à leur rencontre.
La loi Climat est certainement l’une des mesures les plus controversées du mandat du président de la République Emmanuel Macron. Le texte a été adopté en première lecture, à l’Assemblée nationale, le 4 mai 2021. Une adoption jugée décevante par les associations environnementales. Seuls 557 amendements sur les 7 300 déposés ont ainsi été adoptés, faisant passer le texte de 218 à 69 articles. Bien que le processus législatif soit loin d’être terminé pour ce texte, qui sera examiné au Sénat le 14 juin, les associations tirent la sonnette d’alarme.
Manifester un sentiment de trahison
Le 9 mai dernier, plus de 690 associations ont appelé les citoyens à manifester face à un texte qui « ne ressemble plus du tout aux mesures de la Convention citoyenne pour le climat », comme le rapporte Manon Castagné, porte-parole des Amis de la Terre.
Ces marches visaient selon elle à « apporter un contre-discours » et à « entacher » l’image d’un gouvernement à la communication environnementale solide. Une équipe gouvernementale dont l’activiste « n’attend plus rien ». Pour d’autres manifestants, il s’agit là de critiquer le caractère « faussement démocratique » du projet de loi, alors qu’Emmanuel Macron s’était engagé à adopter les mesures « sans filtre ». Du côté de l’antenne lyonnaise d’Extinction Rebellion, même son de cloche : face à une « défiance vis-à-vis de la démocratie », la manifestation se serait avérée nécessaire. Pour Tatiana Guille, membre du collectif Alternatiba ANV Rhône, manifester est aussi un moyen de dénoncer l’aspect social trop souvent occulté dans les mesures retenues. Son jugement est sans appel : le projet de loi culpabilise « la population et les plus pauvres », en exigeant qu’ils fassent « des efforts chez eux ». Et c’est en cela qu’il manquerait sa cible clé : « une vraie loi climat, c’est une loi qui vise les multinationales, les 1% les plus riches et non les gens qui ont pour problématiques de manger et de se loger. »
Dans un tel contexte, l’échelle des mesures retenues de la Convention citoyenne est jugée non satisfaisante et peu efficace face à une situation qui requiert « un changement de société ». Catastrophe, « désastre total », trahison : les associations ne cachent pas leur frustration. Un sentiment d’autant plus fort au vu des propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat, jugées « assez radicales et voyant à long terme » par Manon Castagné.
Grégoire Fraty, ex-membre de la Convention citoyenne et cofondateur de l’association les 150 (assurant le suivi des propositions et soutenant les marches du climat, NDLR), voit quant à lui dans cette mobilisation urbaine « la ligne continue de tout l’engagement citoyen mené ». Il rappelle la déception collective des membres de la Convention, qui ont attribué la note de 3,3/10 au gouvernement. Mais il salue aussi les avancées : « l’éducation au développement durable, cela a été repris ; la rénovation des logements, c’est pas si mal que cela et la réforme constitutionnelle a été reprise mots pour mots. » Loin d’y voir la trahison démocratique que certains dénoncent, l’homme politique s’estime, dans une certaine mesure, « satisfait d’avoir fait bouger les lignes ». Tout en rappelant que la Convention n’avait aucune existence institutionnelle.
Il ne faudrait pas voler la légitimité des urnes, des gens qui sont élus.
Grégoire Fraty
Les élections régionales, l’étape de la dernière chance ?
Grégoire Fraty l’assure, c’est au niveau local qu’il faut désormais agir. « 10% de nos citoyens sont engagés sur des listes électorales, à différents niveaux ; certains dans la majorité présidentielle ou chez les Verts, d’autres auprès de la France insoumise, pour porter les mesures ». Mais « pas tous de la même manière » donc. En s’engageant aux côtés de LaREM en Normandie, Grégoire Fraty souhaite justement « les faire infuser dans le débat […] et porter l’objet démocratique » à l’échelle locale, en se confrontant à la réalité du terrain. Une démarche que celui-ci estime « dans la continuité » de son précédent engagement citoyen, mais aussi fidèle aux différentes échelles visées par les propositions.
Bien que le projet de loi Climat et résilience n’ait pas terminé son parcours, les associations environnementales interrogées n’ont « plus d’espoir ». Le pessimisme semble s’imposer face à un « projet de loi irrécupérable » et des propositions « mises de côté, écartées ou modifiées en profondeur ». Car pour Manon Castagné des Amis de la Terre, « tout est important et complémentaire ». Elle milite pour une loi qui « prendrait à bras le corps l’urgence climatique et l’urgence sociale, parce que les deux vont de pair. » Les élections régionales apparaissent donc comme stratégiques, compte tenu des propositions locales de la Convention. Difficile d’imaginer toutefois qu’elles soient suffisantes pour modifier la tendance. Mais à moins d’un an de l’élection présidentielle, le débat autour de cette loi ne semble pas prêt de s’arrêter, alors que l’échiquier politique est toujours largement divisé sur la question. « Le prisme politique se positionne déjà par rapport à nos propositions et on risque d’en entendre parler en 2022 », ne manque pas de rappeler Grégoire Fraty.