Si ces 20 000 Toulousains ont ressorti doudounes et bonnets, ils font acte de présence en ce dimanche d’avril frigorifiant. La plupart sont des militants ou des sympathisants déjà convaincus, venus confirmer leur bulletin de dimanche prochain pour l’Union populaire.
« Pour moi, c’est une évidence le vote pour l’Union populaire. Il traduit l’idée de prendre le temps, de se poser autour d’une table et de remettre en question le système dont on a prouvé les limites. C’est l’idée d’inclure la jeunesse au même titre que ceux qui ont plus d’expérience. J’ai déjà voté insoumis en 2017, cette année je le referai », assure d’ailleurs Aurianne, 24 ans.
Cette venue à Toulouse à une semaine du premier tour ne saurait être vue comme anodine. La région Occitanie, Toulouse en particulier, est réputée pour avoir été une « terre rouge », vivier d’un militantisme de gauche. Mais peut-être ce militantisme a-t-il vécu, au regard d’une mairie aux couleurs des Républicains, des nombreux cheveux blancs qui parsèment la foule et des résultats du premier tour de la présidentielle de 2017 qui plaçaient Marine Le Pen en tête avec 22,98% des voix occitanes, au coude-à-coude avec Emmanuel Macron (22,32%), lui-même suivi de près par Jean-Luc Mélenchon (22,14%).
Dernière ligne droite
Pas de quoi refroidir le candidat de l’Union populaire pour autant. Il a fait appel au groupe toulousain Zebda pour chauffer la foule en première partie. L’une des nombreuses perches tendues au chauvinisme toulousain par le candidat d’extrême gauche afin de séduire ses futurs électeurs. Clin d’œil à la culture occitane du rugby, Jean-Luc Mélenchon est introduit comme le chef d’une équipe unie, en l’occurence celle de l’Union populaire. Une équipe qui « marquera l’essai le 10 avril et le transformera le 24 », à en croire celui qui se voit déjà devenir le nouveau locataire de l’Élysée. Une attention qui suffit à réveiller les supporters encore engourdis.
Unie pour la dernière ligne droite, ce fut visiblement le leitmotiv de ce meeting. Un rendez-vous lancé par le député de la 6ème circonscription de Seine-Saint-Denis, Bastien Lachaud, mis en examen en novembre dernier dans le cadre d’une enquête préliminaire sur les comptes de la précédente campagne présidentielle menée par sa famille politique en 2017. Cette enquête préliminaire avait suscité le courroux de Jean-Luc Mélenchon, dont la rancœur a de nouveau pu s’entendre lors de son discours : « S’il suffit d’un seul article de presse pour déclencher une enquête préliminaire, McKinsey a eu assez d’articles. »
Cette pique, en référence à l’affaire qui éclabousse en ce moment-même la campagne du président-candidat Emmanuel Macron, n’est qu’une parmi les multiples qui ont émaillé le meeting dominicain de Jean-Luc Mélenchon.
Candidat d’un « vote utile » contre Emmanuel Macron
Bien qu’il ait obstinément refusé de participer à toute primaire de la gauche, Jean-Luc Mélenchon semble conscient qu’il lui reste à fédérer une gauche éparse autour de sa candidature. Comme il l’a régulièrement asséné, il se place en rempart contre l’extrême droite et Emmanuel Macron, auxquels il ne manque pas de faire des pieds de nez. Accusant le président sortant de mensonges, il revient sur le seul meeting de campagne d’Emmanuel Macron à Nanterre la veille, en contrecarrant plusieurs de ses affirmations.
« Je voterai pour lui. C’est le moins pire et c’est le seul à pouvoir faire barrage à Macron à mes yeux », confie Servanne, 19 ans, étudiante en prépa’ littéraire à Toulouse.
La jeune femme illustre une pensée que l’on retrouve également sur les pancartes de nombreux militants brandissant, avec ferveur, des « Stop Macron ». Et ce rejet du président-candidat semble même surpasser la défiance de nombreux électeurs à l’égard des candidats d’extrême droite, que sont Marine Le Pen et Éric Zemmour. Les protestations et les huées sont particulièrement virulentes lorsque le nom d’Emmanuel Macron est employé.
Du vert pour la ville rose
Peu de surprise du côté des annonces. Le candidat reprend les principaux points d’un vaste programme, mais donne une certaine importance à la « sociale-écologie ». Comme une réponse à l’une des principales critiques faite à cette campagne, où beaucoup ont trouvé la question climatique absente, la vision écologique a soudainement irrigué le meeting mélenchonien, dès la première partie du spectacle.
Introduits par Aurélie Trouvé, ex-porte-parole d’Attac, trois figures militantes de cette vision de l’écologie sont venues soutenir Jean-Luc Mélenchon : un agriculteur, une femme engagée contre les « passoires énergétiques » et le journaliste militant Aymeric Caron, impliqué dans la cause antispéciste. De son côté, durant son discours, le candidat pour l’Union populaire a rappelé ses projets de planification écologique, abordant la question de l’eau mais également celle du régime carné. « Je suis un végan croyant, mais pas pratiquant ! », l’entend-on dire. Ce discours à portée écologiste semble avoir un impact au sein de la foule qui s’enthousiasme de harangues et de cris approbateurs.
« Moi je suis militante écologiste et antinucléaire. J’étais chez les Verts avant et maintenant je soutiens Mélenchon. Je suis très contente de ce qu’il nous a présenté aujourd’hui dans son programme, que pourtant j’avais déjà lu. Là il est allé dans le détail de la sortie du nucléaire, de la crise climatique et de la planification écologique. », s’enthousiasme Joëlle Simonet, habitante de Golfech en Tarn-et-Garonne, où se trouve en l’occurrence une centrale nucléaire.
Cette tonalité verte est apparue comme une main tendue aux militants écologistes et à la jeunesse encore hésitante, avant le couperet du premier tour fixé au dimanche 10 avril prochain.