HANDISPORT. Audrey Le Morvan, ancienne joueuse de haut niveau de tennis de table, est bien connue des amateurs de ce sport. Bien qu’elle ait mis fin à sa carrière, elle a été récompensée à de multiples reprises, et a montré qu’elle pouvait avoir le même niveau que n’importe quel sportif malgré son handicap. Participant aux compétitions handisports mais aussi aux compétitions des valides, elle remporte plusieurs récompenses.Vice-championne d’Europe en individuel, troisième au championnat du monde en individuel et double médaillée de bronze par équipe aux Jeux Paralympiques d’Athènes et de Pékin, la sportive de seulement 29 ans a malgré tout décidé de s’arrêter là. Pour autant, elle est toujours très active dans le milieu du sport, mais en tant que bénévole. Avec une belle carrière derrière elle, Audrey n’est pas prête d’arrêter totalement le sport, qui reste une passion pour elle.
« C’est suite à notre rencontre que j’ai commencé le circuit handisport »
Avant de se lancer dans la pratique du tennis de table, Audrey a pu s’essayer à de nombreux sports tels que la gymnastique, le football, l’athlétisme… Si la gym n’était pas un sport évident à pratiquer avec son handicap, c’est pour une toute autre raison que, petite, elle décide finalement de ne pas continuer le foot non plus. « On n’était que 2 filles et je me suis pris deux ballons en pleine figure, ça ne m’a pas donné envie de continuer », se souvient Audrey. Pour ce qui est de l’athlétisme, elle explique tout simplement que le handicap a créé une barrière, qu’elle n’était pas intégrée, même si le sport lui plaisait bien.
En CE2, la jeune sportive finit par trouver le sport idéal. « Lors d’une initiation de tennis de table, je me suis rendue compte que cela me plaisait bien. Et je peux tenir une balle dans mon moignon gauche », explique Audrey avec un sourire. À la suite de cette initiation, la jeune joueuse de tennis de table commence à jouer avec les valides. C’est entourée de deux autres jeunes filles qu’elle pratique ce sport, et ensemble, elles se suivent et progressent.
C’est à l’âge de 12 ans qu’Audrey Le Morvan croise le chemin de Michelle Sévin, une pongiste handisport de Rennes, qui lui « propose de faire les compétitions handisports ». « C’est suite à notre rencontre que j’ai commencé le circuit handisport ». L’apprentie joueuse de haut niveau commence ainsi les compétitions valides et handisports avec entrain. Pourtant, Audrey ne s’imaginait pas forcément arriver à une telle carrière. « Ma carrière sportive s’est créée au fur et à mesure, ce n’était pas un objectif au début de ma pratique. Mais au fur et à mesure des années, j’ai eu envie d’aller de plus en plus loin dans les compétitions handisports », explique-t-elle.
Pas de challenge, mais des objectifs et de la rigueur
En 2003, alors âgée de 15 ans, Audrey connaît sa première sélection. La jeune sportive ne joue pas que dans les compétitions handisports mais également dans les compétitions des valides, et c’est sans surprise qu’elle enchaîne les titres et devient notamment, au niveau valide, vice-championne de France. Pour elle, le sport de haut niveau, « ce n’était pas un réel challenge ». Audrey explique simplement qu’il faut se fixer des objectifs et surtout, « être rigoureux ».
Pour Audrey, le handicap physique n’est pas un frein à la pratique d’un sport. « Je ne pense pas que le handicap influence le sport que l’on peut faire. Quasiment tous les sports sont accessibles à tous les handicaps ». Elle l’a prouvé tout au long de sa pratique du tennis de table qui, en tout, a duré 20 ans, dont 10 en équipe de France handisport. Sur le plan médical, le progrès des prothèses et des lames est très impressionnant. Oscar Pistorius en est un bon exemple. Plusieurs controverses disaient que ses prothèses influençaient positivement ses performances sportives. Audrey Le Morvan a son avis sur la question. « Effectivement, je pense qu’il est avantagé à courir avec deux lames sur une longue distance, mais en même temps, il est très difficile de courir avec des lames. L’objectif est de les faire rebondir, c’est du travail ». D’après Audrey, « l’adaptation est essentielle dans la pratique du handisport ».
Audrey a su s’adapter avec succès et montrer son talent de pongiste. À un tel point qu’elle participe même aux Jeux Paralympiques, et ce à trois reprises, en 2004, 2008 et 2012. C’est d’ailleurs ce qui l’a le plus marqué au cours de sa carrière. « Ce sont les Jeux Paralympiques qui m’ont le plus impressionné. L’ambiance, le village, les cérémonies, l’entrée dans l’aire de jeu… ». En octobre 2013, Audrey joue pour la dernière fois en compétition, au championnat d’Europe. Suite à cela, elle décide d’arrêter. « J’en avais marre de m’entraîner tous les jours et d’aller en compétition tous les week-end ».
Encore tout frais dans nos mémoires, les Paralympiques de Rio. L’ancienne joueuse de haut niveau n’y participait pas, mais plusieurs de ses connaissances y étaient et elle a suivi la compétition. Si le handisport n’est pas suffisamment mis en avant par les médias, Audrey trouve néanmoins qu’il y a une évolution, notamment avec le traitement médiatique des jeux handisports de Rio. « Ils ont bien été mis en avant avec France Télévision ». Elle se rappelle par exemple « des consultants de qualité » mais apprécie également le fait que « les médias ont suivi les sportifs et les performances sportives ». Ayant été elle même présente à plusieurs reprises sur les lieux de compétition, elle n’hésite pas à nous parler des conditions d’accueil, qui avaient été critiquées par de nombreux médias pendant les paralympiques de Rio en 2016. « L’accessibilité sur un village olympique et paralympique est plutôt bien faite. Tout est pensé, même s’il peut y avoir des erreurs ». À suivre en 2020, à Tokyo, qui sera la première ville à accueillir les Jeux Paralympiques d’été pour la seconde fois.
L’après carrière, une angoisse pour certains sportifs
Aujourd’hui, Audrey travaille à temps plein en tant que conseillère gestion des droits à Pôle emploi à Nantes. Elle avait déjà commencé ce travail pendant sa carrière et était donc assurer d’avoir un poste en arrêtant la compétition, ce qui a rendu les choses moins stressantes pour elle. En effet, si certains sports permettent d’en vivre complètement, ce n’est pas le cas de tous. En l’occurence, l’handisport étant moins médiatisé, Audrey a choisi de faire des études en parallèle pour s’assurer la possibilité de retrouver un emploi par la suite. Dès le début, Audrey avait conscience de l’impossibilité de vivre seulement de son sport. « Je savais que je ne pourrais pas vivre de mon sport, le handisport n’est pas médiatisé et n’attire pas les sponsors ». Bien qu’il y ait une évolution depuis quelques années, à l’époque, il était essentiel pour Audrey d’avoir un job en parallèle afin de subvenir à ses besoins.
Un point important et souvent oublié est le moral des sportifs après avoir arrêté la compétition. Mis à part le stress de devoir trouver un travail pour certains, il faut aussi s’habituer à ne plus faire autant de sport qu’avant, alors que ces sportifs s’entraînaient de manière intensive pendant des années. « Ce qui est complexe, c’est de diminuer le sport, précise Audrey, Le corps en a besoin, comme une drogue, mais ça se fait ». L’ancienne pongiste de haut niveau, bien qu’elle ne pratique plus autant qu’avant, est bénévole au sein de la commission de tennis de table handisport et est responsable des jeunes. Un rôle qui lui permet de continuer à jouer entourée d’un groupe de jeunes qu’elle peut conseiller et encadrer.
Si le tennis de table a été, et est toujours, une immense part de sa vie, pour l’instant, Audrey ne se voit pas reprendre la compétition. « La compétition ne me manque pas du tout ». Une seule chose lui manque, au final, et c’est « le stress et l’ambiance des compétitions ». Sollicitée à plusieurs reprises pour reprendre sa carrière de sportive, elle a déclaré ne pas vouloir reprendre pour l’instant. Peut-être retrouverons-nous Audrey sur l’aire de jeu dans un avenir plus ou moins proche…
S’il n’est pas prévu dans l’immédiat qu’on retrouve Audrey en compétition, elle tient à encourager tous les jeunes qui ont un handicap et qui aimeraient se lancer dans le sport. « Surtout, il ne faut pas hésiter à faire du sport. Ça permet de faire des rencontres, de se dépenser, de penser à autre chose. Si on a envie de faire du sport, il est toujours possible de faire les adaptations pour pratiquer au mieux ». Peut-être que la prochaine Audrey Le Morvan se cache dans votre salle de sport.