FESTIVAL SÉRIE. Pour sa 8ème édition, le festival « Séries Mania » a sorti les couleurs. Dans les Halles parisiennes, impossible de louper le logo du festival : un grand huit multicolore qui rappelle les anciens écrans de télévision. Le festival parisien, qui se déroulait du 13 au 23 avril, proposait de nombreuses projections, conférences et débats entre le Forum des Images et les cinémas UGC. A l’étage du Forum des Images, transformé en sanctuaire de la série, un grand hall parsemé de sièges bleus et rouges accueillait les sériephiles épuisés de visionnage intensif. Car oui, à Séries Mania, la règle est le plaisir des séries et le programme va dans ce sens : 150 séances sur 10 jours, des journées de 10h à minuit, et une bonne dose de binge watching.
Derrière le grand hall du Forum des Images qui redirige les visiteurs vers les deux salles de projection se tient une troisième pièce bien particulière. Sur la porte, le nom de « Librarie Vidéo » laisse entendre ce qui se cache dans l’obscurité épaisse pesant derrière les murs de verre. Une fois à l’intérieur, le lieu révèle tous ses secrets. Meublée de canapés d’apparence confortable et d’une vingtaine d’écrans de télévision, la pièce permet à tout nouveau venu de s’isoler « comme à la maison » devant une série. Casque sur les oreilles et aspiré par l’écran qui lui fait face, chaque individu est plongé dans sa série, coupé des autres et de l’extérieur. Pour le sériephile, ce lieu est le paradis, un lieu divin ouvert à tout excès, une salle de shoot au binge-watching. Quoi de mieux pour un habitué des séances Game of Thrones en HDTV que d’abandonner son ordinateur portable pour un écran haute définition avec un panel des meilleures séries du monde sélectionné par le festival ?
Une fois le grand saut dans l’hérésie audiovisuelle effectué avec bravoure vient le moment tant redouté du choix. Mais quelle série choisir ? Pas évident lorsque l’unique réponse est une longue liste de séries du monde entier, légitimes et pour la plupart à fort potentiel. Toutes ces séries apparaissaient à une ou plusieurs reprises dans la programmation des deux semaines de Séries Mania. Au bout de plusieurs dizaines d’heures à regarder des séries dans les différentes salles du festival, certaines créations ont attiré notre attention. Des étoiles encore plein les yeux, Worldzine vous fait une sélection des meilleures séries proposées à Séries Mania.
Missions, la science-fiction française au rendez-vous
Une chose est sûre, Séries Mania aura permis de réconcilier le public avec la science-fiction française, et en particulier grâce à la projection de Missions. Imaginez que l’Homme s’est enfin décidé à conquérir Mars. Un entrepreneur privé décide d’investir dans une mission sur la planète rouge. Une équipe de scientifiques, accompagnée d’une psychologue qui joue la figure d’héroïne, embarque à bord d’un vaisseau à destination de la mystérieuse planète. Mais à l’atterrissage, tout ne se passe pas comme prévu, et l’équipe va faire la découverte de plusieurs faits étranges.
Petite nouvelle dans le paysage audiovisuel français, la série pointe le bout de son nez avec déjà un gros potentiel. Le plus impressionnant est certainement le réalisme de la série, sur le plan des effets spéciaux tout d’abord. Missions est une série de science-fiction qui se déroule dans l’espace. Un tournage sur fond vert et beaucoup de post-production pour les scènes dans l’espace aurait pu embarquer la série dans une dimension bien plus poreuse. Pourtant, sans bénéficier des moyens financiers et matériels de Gravity, la série arrive à nous plonger dans un univers spatial sans faille de réalisme. Avec un budget français, la série nous fait, à quelque chose près, du « Seul sur Mars » made in France. Mais à la différence du film américain, le scénario joue à fond la carte de la science-fiction, en misant sur les mystères qui entourent encore Mars aujourd’hui. Les personnages, poussés dans leurs retranchements face à une situation de survie, dévoilent leurs différentes personnalités. Du geek puceau (joué par Côme Levin), aux motivations mystérieuses du milliardaire (Mathias Mlekuz), on arrive à se laisser guider par l’histoire que vivent les personnages. Et les trente minutes par épisode passent très vite.
Downward dogs, mon ami Martin
Qui ne rêverait pas d’entendre les pensées quotidiennes de son chien ? La série américaine Downward Dogs offre cette possibilité. Mais attention, préparez les couvertures et le chocolat chaud, cette série est faite pour les dimanches pluvieux d’hiver. L’histoire est celle de Nan (jouée par Allison Tolman, Holly dans Fargo saison 1 pour les connaisseurs), une trentenaire qui tente de jongler difficilement entre sa vie professionnelle et sa vie sentimentale, vécues et commentées par son chien Martin, qui devient le narrateur de l’histoire.
Laissé seul toute la journée, ce chien en manque d’affection réfléchit longuement sur son existence. Des réflexions qui font vivre au spectateur des moments drôles et attendrissants, à l’image des découvertes extraordinaires de la trappe à ouverture automatique ou du lieu de travail de sa maîtresse. Chaque instant banal du quotidien est rendu intéressant par l’innocence de Martin, qui s’approprie l’histoire de la manière la plus légère possible. La forme de ces remarques personnelles, face caméra, crée des apartés avec le public, et un moment de complicité qui fait le bonheur de ceux qui le reçoivent. Une série tendre et souriante, qui respire l’amour entre l’Homme et le chien, à regarder sans plus tarder dans son lit, avec pourquoi pas, son ami aux grandes oreilles.
Search Party, les millenials à la mode
Un groupe d’hispters new yorkais, enfermés dans leur génération de jeune adulte de la vingtaine, vont tenter tant bien que mal de suivre leur amie Dory dans la quête qu’elle s’est donnée, sans guère d’explications si ce n’est se trouver une importance : retrouver Chantal Witherbottom, une connaissance lointaine depuis l’université. Cette obsession de Dory pour l’histoire de Chantal s’inscrit dans la physionomie générale de la série, celle des « millénials », ces jeunes adultes en manque d’existence et de reconnaissance, renfermés sur eux même dans un mélange de décomplexion, d’ignorance et d’égoïsme. Pourtant, ces personnages à la mode, qui représentent intelligemment le public que vise la série, sont poussés à la caricature, ce qui leur donne un réel capital sympathie. On est presque peiné, à la fin des 10 épisodes de 20 minutes, de laisser Dory et son copain le nonchalant Drew, son amie actrice Portia, et son pote Eliott, le narcissique de la bande.
Outre ce thème récurant du mal du temps, que l’on peut retrouver également dans Master of None (une série également diffusée à Séries Mania qui revient prochainement avec sa seconde saison sur Netflix), la série jongle habilement entre comédie et thriller. La comédie, c’est les personnages, leur caractère, et leur vie en général qui la crée. La trame scénaristique d’épisode en épisode est, quant à elle, abordée sur les tons d’un thriller. Une personne disparaît, il y a une enquête, et des rebondissements (on peut même se laisser convaincre par certains cliffhanger) : tous les éléments du thriller. La copie reste cependant quelque peu tachée en fin de scénario, avec un dénouement bâclé et décevant. Grand point positif malgré tout pour ce saut dans l’univers de cette génération.
Juda & Your Honor, l’Israël a bon goût
Le grand gagnant de la remise des prix de Séries Mania est incontestablement l’Israël. Pour le pays, deux séries ont été récompensées, dans la catégorie « Meilleure série panorama international/ Prix des blogueur » et « Grand prix / Compétition officielle ». Ces prix, logiquement attribués à Juda, pour le premier, et à Your Honor pour le second, reflètent toute la recherche esthétique et scénaristique des Israéliens dans ces deux séries.
Pour la première, Juda, le caractère innovant de la série est noté. Le scénario, qui n’est ni plus ni moins celui d’une série contemporaine de vampire, tient le spectateur par les dents tout du long et ce dès les premières morsures. Mais c’est sur la forme que la série étonne par son originalité, le premier épisode faisant figure d’exemple et de belle entrée en matière. Accrocheurs et bien réalisés, les montages sont vifs, alternant entre ralentis et accélérations. L’écran se divise à plusieurs reprises en deux, trois, voire quatre parties pour une mise en scène déjantée. Tout le montage est au service du personnage, un joueur de poker fou furieux, avide d’argent et de sang.
Your Honor s’impose quant à lui dans le message qu’il tente, et arrive, à faire passer. Un juge, réputé pour son honnêteté, va tenter de sortir son fils de ses ennuis, à l’encontre de la loi et au péril de sa carrière. Un dilemme intéressant entre le respect de la loi ou la protection de ses proches, entre sauver sa famille et son honneur. Entre l’honnêteté et son inverse, tout peut s’inverser soudainement, et basculer vers un enchaînement de mensonges sans fin. Une course poursuite alléchante avec la police et un gang de mafieux, qui réserve beaucoup de rebondissements.
Le Bureau des Légendes & Sense 8, oui pour toujours
C’est dans une situation délicate que l’on avait quitté Mathieu Kassotivz, alias Debailly, Malotru, ou Paul Lefebvre (on ne sait plus comment l’appeler !). Pour cette saison 3 du Bureau des Légendes, que va-t-il arriver à l’agent de la DGSE ? Cette troisième saison sera placée sous le signe de l’actualité, puisque Daesh sera l’ennemi numéro 1. En soi, il est toujours très délicat pour une série de s’attaquer à un sujet contemporain qui continue à évoluer en même temps que la série. Mais le Bureau des Légendes s’en sort remarquablement.
Pour cette troisième salve de 10 épisodes, le turn-over des agents, habitués pour certains aux ordinateurs du bureau parisien de la DGSE, iront sur le terrain, obligeant acteurs et réalisateur à se rendre sur de nombreux terrains du Moyen Orient. Marina Loiseau (interprétée par Sara Giraudeau) restera en France, après avoir passé la saison 2 en Irak, alors que Marie-Jeanne Duthilleul et Raymond Sisteron (Florence Loiret Caille et Jonathan Zaccal) seront directement sur les zones de conflit, dans le prolongement de la saison 2. Autre particularité, la série montre courageusement l’ennemi, ici Daesh, qui prend une place importante dans le scénario et qui pèse sur l’atmosphère transmise par les images. D’un réalisme à en faire pâlir les vrais agents de la DGSE, la série conserve son rôle de numéro 1 dans le paysage audiovisuel français. Et comme dirait son showrunner Eric Rochant, « à 3 saisons, on devient une série, à 4 ou 5 ça ressemble à quelque chose d’important ». On espère donc une longue vie aux Légendes.
Pour Sense 8, on l’a attendu, la voilà. La saison 2 est enfin arrivée plus de 2 ans après la saison 1 qui avait, déjà, éveillé nos sens. La série, qui expérimente les Sensitives, plonge le spectateur dans un univers qui lui est fidèle, aux quatre coins du monde. Un voyage multiculturel à chaque épisode, et surtout, un scénario à en couper le souffle. L’épisode 1 de la tant-attendue saison 2, dévoilé en avant-première au public de Séries Mania, a laissé paraître son lot de stupéfaction finale. La saison 2 vient de sortir sur Netflix, si vous avez loupé le début, courez et binge watchez, c’est l’unique conseil à suivre.