MUSIQUE. Avec la sortie remarquée de leur album Les Conquêtes, c’est sans surprise que Radio Elvis avait été récompensé aux Victoires de la Musique en février dernier. « L’album révélation de l’année » s’est fait sa place dans les magasins de disques en France et commence même à faire danser sur ses morceaux en Amérique du Sud. Malgré un planning chargé, Pierre Guénard, le chanteur du groupe, a pris le temps de répondre à nos questions.
WorldZine : Récemment, vous êtes revenus de plusieurs concerts, notamment en Equateur et en Colombie. Ça fait quoi de voir qu’il y a des gens qui connaissent ta musique même aussi loin ?
Pierre Guénard : On se dit qu’internet marche bien, que c’est très utile (rires). On est dans une époque où on a plus besoin de sortir forcément un support physique pour faire connaître notre musique à l’étranger. Ça nous donne l’occasion d’aller dans des pays où le public est assez différent de celui de la France. C’est chouette, on a l’impression d’être un groupe de rock anglais qui jouerait en France. Ça fait plaisir de voir que certaines personnes connaissent notre musique à l’étranger mais ça fait surtout plaisir de voir que notre musique plaît pour ce qu’elle est et pas que pour les paroles. Ça donne à notre musique une dimension plus festive qu’en France.
Il y a des tendances que vous retrouvez dans le public à l’étranger et qui diffèrent de la France ?
Je ne sais pas comment ils se comportent avec les groupes locaux, mais étant donné que là ils ne s’attardaient pas sur les paroles mais plutôt sur les rythmes, sur la musique pure, du coup ils dansaient un peu plus. On ne fait pas la musique la plus dansante, mais je pense quand même qu’on peut bouger. Il y a même eu des slams et des pogos sur notre musique, c’était assez incroyable, c’était la première fois que ça nous arrivait. En France, là où ça pourrait arriver, le fait de se concentrer sur les textes et la voix casse cette dynamique là mais en crée une autre. C’est une dynamique d’écoute et de silence qui est assez agréable mais en festival c’est chouette de voir des gens vraiment expressifs.
En parlant des paroles, vous avez le sentiment qu’à l’étranger le public ne s’attarde pas dessus. Pourtant, certains groupes français pensent que la langue peut être un frein pour percer à l’étranger. Tu es d’accord avec ça ?
On ne peut pas dire qu’on marche à l’étranger. Ça reste modéré, c’était dans un festival avec des affiches multiples. Chanter en français ça peut être un frein, après moi toutes les règles comme ça je m’en fiche un peu parce qu’il y a plein de contre exemples. Et puis, ce n’est pas un but en soi de marcher à l’étranger. Essayons déjà de marcher en France. Là, en revenant d’Amérique du Sud, on s’est dit « pourquoi pas, sur le deuxième album, traduire quelques chansons en Espagnol », ça nous permettrait d’aller dans ces pays là. Artistiquement c’est intéressant, et c’est toujours des portes ouvertes. Si ça ne mène à rien c’est pas grave, il faut toujours le faire pour le plaisir artistique. Et puis moi, je ne parle pas d’autres langues que le français. C’est ma langue maternelle et puis j’ai pas été très assidu en cours donc je parle très mal (rires).
Après la sortie de vos EPs et de votre album, il y a une certaine notoriété médiatique qui est arrivé assez vite, vous êtes passés dans beaucoup d’émissions en live, il y a aussi eu les victoires de la musique. Vous expliquez comment cet intérêt qui s’est rapidement développé autour de vous ?
Ça fait quatre ans qu’on existe avec le groupe, moi ça fait sept ans que je travaille sur les textes et la musique. Je n’ai pas la sensation que ce soit allé très vite. Après, depuis la formation du groupe, en quatre ans, effectivement, on a fait beaucoup beaucoup de choses. On a eu une belle exposition avec le premier EP, tous nos clips sont rentrés en télé assez vite et en terme de presse l’album a eu un très bon accueil. Et ça s’est terminé par les victoires de la musique avec le prix de l’album révélation ! Je suis arrivé à Paris l’année où Bashung a reçu ses dernières victoires de la musique et mon plus grand regret c’est d’être arrivé après sa mort et de ne pas avoir pu le rencontrer. Quand on a eu une récompense, j’ai pensé à Bashung à ce moment là.
Vous avez un grand respect pour la musique française. Aujourd’hui, on est dans une époque où il arrive que de jeunes artistes soient assez critiques envers l’industrie musicale française actuelle. Tu en penses quoi ?
Alors moi le côté commercial, facho de la musique, ça m’intéresse pas du tout ! C’est intéressant d’être facho de la musique quand on a 18 ans parce que ça permet d’exister et d’avoir des avis. Mais une fois qu’on a appris à avoir des avis je pense que c’est un peu ridicule. Je n’aime pas tout, mais je respecte tout. Ça reste que de la musique, c’est un moyen d’en vivre, je ne connais personne qui travaille gratuitement.
Tu disais que tu avais bossé pendant 7 ans sur les textes de l’album. Tu as déjà commencé à travaillé sur de nouveaux morceaux ?
Pendant la tournée c’est un peu compliqué d’écrire pour moi. J’ai vraiment besoin d’être au calme et d’être seul. Il y a des périodes qui ne sont pas forcément agréables parce que je suis vraiment seul (rires). Au mois de mai il y avait un peu moins de dates donc j’ai pu commencé à écrire un peu. Cet été on repart en tournée donc je ne vais pas beaucoup écrire, mais à partir de septembre on va vraiment s’y remettre.
Sur votre album, il y a 11 morceaux. Comment vous faites pour réussir à faire en sorte que tous les morceaux aillent bien ensemble et forment un disque harmonieux ?
Le premier album, c’était assez particulier parce que j’avais écrit pas mal de chansons en amont, avant que le groupe se forme. 9 chansons sur 10 étaient déjà écrites, on a surtout fait un travail d’arrangement avec les gars. Il y a d’autres chansons qu’on a pas gardées, on les a jouées sur scène mais ça ne nous plaisait pas. J’étais le seul à avoir écrit, donc la cohérence était là de base. Mais là pour le prochain on va tout composer ensemble. Au début on avait pas les mêmes influences, mais là ça fait deux ans et demi qu’on tourne et qu’on vit dans un huis clos, on est tout le temps ensemble pendant 250 dates. On a calculé, sur un an, on est restés trois mois dans le camion non stop sans en sortir si on accumule tout. Pendant ces trois mois on écoute la même musique. Quand on est revenus en studio, il n’y a pas très longtemps, on s’est mis à faire de la musique en improvisant et on avait tout de suite un son et les mêmes idées. On a le même langage maintenant. La cohérence est là naturellement.
Un morceau, ça se fait en 10 secondes
Quand tu es dans une phase de composition, tu préfères t’attarder sur les morceaux ou tu as tendance à privilégier l’instant présent ?
Un morceau, ça se fait en 10 secondes. Il y a 6 mois de préparation, 6 mois de travail par la suite, mais le morceau en lui même il vient en 10 secondes, et c’est ces 10 secondes là qu’il faut réussir à capter. Après c’est un travail d’arrangement. Sur le premier album on a mis un peu de temps, surtout qu’on a beaucoup rodé les titres sur scène donc après il a fallu retrouver un équilibre pour que ça marche bien en studio. Pour le deuxième album, on a envie d’être un peu plus dans l’instant et de ne pas trop réfléchir. De garder la fraicheur du titre. C’est assez dur à faire et c’est ce qui est passionnant aussi.
Parmi les titres que tu avais composé en amont, il y en avait un que tu voulais absolument sur l’album de Radio Elvis ?
Je les voulais tous sur l’album. Il y a un titre qui était un peu au dessus, celui là on l’a composé tous ensemble. Il est arrivé en dernier, juste au moment où j’ai fini de l’écrire en studio, c’est Solarium. Il nous tient vraiment à coeur. J’avais un début de guitare voix, mais on l’a composé tous ensemble. C’est une période qui a été assez faste, il y a eu beaucoup de changements à ce moment là. Comme je dis dans l’album, il y a des gens qui nous ont rejoint, des gens qui nous ont quitté, et ce morceau cristallise vraiment cet espèce de carrefour.
En parlant de Solarium, on pense évidemment au clip. Sur scène on vous retrouve toujours avec des tenues colorées et un côté fun, alors que le clip a une ambiance plus mystique. Ce décalage était voulu ?
L’idée c’était de faire un clip à la Terrence Malick. C’est le seul clip qu’on a pas fait avec Nicolas Despis. Là on est allés avec Louise Ernandez. C’est la seule qui a répondu à notre cahier des charges. On voulait un truc assez mystique, que ce soit au ralenti et qu’il y ait une nature très présente et habitée. On voulait aussi qu’il y ait quelque chose qui vienne d’en haut. On est allés tourner à La Réunion. C’était pile au moment où il y avait une éclipse annulaire [Le Soleil apparaît comme un anneau très brillant entourant le disque lunaire, Ndlr]. On trouvait que ça correspondait bien au titre, c’était très beau et très fort.
Vivre de la musique, c’est quelque chose qui a toujours été une idée fixe pour toi ou c’est arrivé grâce à des opportunités ?
J’ai toujours voulu faire ça. J’ai voulu faire plein de métiers, mais la musique en faisait partie. Je ne sais pas si je ferais ça toute ma vie. Mais j’ai toujours voulu, en vivre oui, mais surtout être reconnu par les gens que j’ai écouté et qui m’ont donné envie de faire de la musique. J’ai la chance d’être reconnu par eux, sauf Bashung (rires).
En ce moment, vous planchez sur quoi avec Radio Elvis ?
Plusieurs choses ! Déjà on est retournés dans notre cave pour faire de la musique. Ça change pas mal en plus ce qu’on fait. Les pistes qu’on avait lancées sur le premier disque commencent à aller plus loin avec ce qu’on entrevoit du deuxième. Alexandre Tarot nous a invité sur son album, qui rend hommage à Barbara pour les 20 ans de sa mort. On est présents sur cet album avec plein d’artistes. Ça sort à la rentrée. En novembre dernier, la maison de la poésie à Paris nous avait donné carte blanche et on a rendu hommage à Jack London pour les 100 ans de sa mort. C’est une lecture musicale autour des écrivains voyageurs. On va rejouer ça en septembre.
Est-ce qu’il y a un truc qui te fait rêver et que tu aimerais faire avec Radio Elvis ?
Il y avait le fantasme de jouer à La Cigale, en plus moi j’y ai travaillé. On y a joué en novembre, c’est un très grand souvenir. Maintenant, on aimerait bien jouer à l’Olympia, toutes les salles parisiennes nous font envie en fait ! Le Stade de France ça nous ferait marrer aussi un jour de le faire. De toute façon on sera jamais en tête d’affiche mais même en première partie (rires). L’Olympia, ça nous fait rêver, pour toute la symbolique ce serait super. Sinon, avec Radio Elvis, on aimerait bien faire une musique de film.