FOOTBALL. Le mondial russe n’est plus qu’à six petits mois et c’est pourtant l’éternel recommencement, le débat sempiternel puisqu’il ne cesse d’alimenter les discussions ainsi que de diviser les masses ignorantes, néophytes ou passionnées. Le retour en équipe de France de Karim Benzema continue frénétiquement de faire parler. Hier soir, le documentaire qui lui était consacré sur Canal+ ainsi que son invitation sur le plateau du Canal Football Club ont remis au goût du jour la problématique. Au programme ; éclaircir un joueur peut-être encore méconnu pour certains, une introspection détaillée sur sa carrière, et (re, re…)mettre les points sur les i sur sa situation avec la sélection nationale. Comme un sentiment que le joueur livrait son dernier baroud d’honneur. Alors que pour ce qui est de son avenir, il est déjà scellé.
Petit rappel, Karim Benzema n’a plus été appelé à Clairefontaine depuis le 8 octobre 2015. La cause ? Pour ceux qui auraient manqué quelques épisodes, l’attaquant du Real Madrid est mis en examen fin 2015 pour « complicité de tentative de chantage et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit punie de plus de 5 ans. » La victime ? Un certain Mathieu Valbuena, l’un des hommes clés de l’ère Deschamps. Le scandale de la sextape – puisqu’il s’agirait d’une vidéo compromettante de l’ex-Marseillais dont il était question – est né. Benzema aurait joué le rôle d’un intermédiaire entre les maîtres chanteurs et Petit Vélo. Or mais voilà, pareil dérapage pouvait pas plus mal tomber. L’Euro 2016, à domicile qui plus est, s’approche à grands pas. Le sélectionneur doit déjà définir ses plans, ses choix tactiques, et bien sûr ses soldats minutieusement triés.
Cet énième volet judiciaire, après celui de l’affaire Zahia dont il a été innocenté en 2014, va comme le précédent traîné en longueur dans le temps. Les semaines se succèdent et l’animosité entre les deux joueurs en question gagne en intensité, par médias interposés. On assiste une énième fois à l’exaltation de la mécanique du buzz. C’est le déferlement médiatique dans un premier temps, à quoi s’ajoute une résonance politique exacerbée et une opinion publique qui se retrouve déchirée sur le sujet. La solution est toute trouvée, la Fédération française de football décide que le joueur ne soit plus sélectionnable dès la fin 2015 et la liste de Didier Deschamps en mars 2016 confirme la tendance. Benzema ne défendra pas ses couleurs nationales pour l’été 2016. Tout comme Mathieu Valbuena.
Même constat
Cela fait deux ans bientôt. Deux années que le cordon ombilical a été coupé entre une sélection nationale finaliste malheureuse du championnat d’Europe 2016 et un joueur qui a tout écrasé avec sa formation du Real Madrid. Les Bleus se sont façonnés, ont su se réinventer, se renouveler en son absence, et pourtant le sujet n’a de cesse d’être constamment posé sur la table. Canal+ propose une soirée spéciale avec le joueur quelques jours après l’interview des Inrocks (datée du 1er novembre dernier, ndlr). Mais l’offensive de communication dont on sent les derniers spasmes déclinants a quel intérêt sinon celui d’enflammer les foules sur la question. Le joueur est pour tout dire bankable, véritable idole, porteur d’une voix considérable, où se retrouvent derrière lui bien des amoureux du football, de son talent, et composante socio-politique oblige, la jeunesse et les banlieues.
Le constat demeure. L’ingérence politico-médiatique incarnée par les Patrick Kanner ou Manuel Valls, aux propos malvenus et desservant l’équipe nationale, a fait du cas Benzema un objet clivant et totalement subversif. Deschamps, dont la communication lui a énormément fait défaut, n’est plus en capacité de faire marche arrière. Plus maintenant. Et même depuis bien longtemps. Quand il a « cédé à la pression d’une partie raciste de la France », selon les dires du joueur, rien ne pouvait plus le contrarier dans ses choix. Il reste avant tout le patron, doit faire subsister un zeste d’autorité et même s’il a pêché par manque de clarté aux grandes heures de l’affaire, a tout à fait raison de ne pas faire quelque aveux de défaite. Le sélectionneur a-t-il le pouvoir de s’écraser dans ses moments-là où les nerfs de l’opinion publique sont mis à rude épreuve. Non, il se doit de camper. Le revirement est trop risqué.
Mondial sans lui
L’affaire devrait être bouclée. Dédé a tranché – depuis trop longtemps ? – ce sera sans le Madrilène. Mais faut-il qu’on revienne à la charge à l’heure où les protagonistes restent catégoriques. Ressasser les dessous de l’affaire et le fait que le joueur a bénéficié d’une levée de son contrôle judiciaire cet été n’a plus de sens. Les arguments demeurent similaires. On est allé au-delà du cas. Le temps a fait son œuvre. Le sujet est clos sur le terrain. Le staff tricolore a monté une équipe encore fébrile collectivement mais cohérente avec l’apport de nouveaux éléments. L’attaque a ses cadres et un équilibre dans sa configuration avec des Griezmann et Giroud en bonne forme. Benzema ne semble donc plus avoir la place de titulaire légitime adonnée par le passé, à l’heure où ses statistiques au Real se tarissent (2 buts, 2 passes décisives seulement cette saison).
Le timing de cette énième sortie médiatique réchauffée est cette fois dépassé. Le but, nul mis à part celui de détériorer l’image du sélectionneur une dernière fois. C’est ce que le camp Benzema souhaite implicitement. Amplifier une pression populaire face aux décisions qui plus est couplée de messages de soutien d’anciens coéquipiers (Zidane, Henry). L’intéressé appréciera. On oublie néanmoins que l’homme est un pragmatique et que l’image de l’équipe de France va prévaloir. L’Euro a démontré que la ferveur était intacte, même sans son joueur phare. Nul besoin de se battre du côté de Deschamps car le contexte plaide en sa faveur. Ce dernier appel pour la sélection de la part de Benzema, qu’on n’imagine pas dénué de sincérité, est vain. L’horizon 2018 se profilera de son côté devant le poste de télévision.