Samedi 20 janvier marquait le premier anniversaire de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. C’était aussi l’anniversaire de la Women’s March, qui rassemblait les foules il y a un an. De retour dans les rues, un nouveau message s’est invité à la marche.
En 2017, le mouvement aurait rassemblé des centaines de milliers de personnes au travers de 408 marches états-uniennes et 168 étrangères. Au lendemain de l’investiture du 45ème président des Etats-Unis, les manifestants foulaient le pavé pour se faire entendre par la nouvelle administration. Droits des femmes, droits LGBT, question des inégalités raciales, réformes de l’immigration ou encore problèmes environnementaux ; autant de sujets revendiqués mais surtout pointés du doigt par Trump durant sa campagne présidentielle. 365 jours plus tard, l’affaire Weinstein et le phénomène #MeToo n’ont fait que renforcer la détermination des manifestants. Un nouveau rassemblement, un nouveau contexte et un nouveau mot d’ordre : Power to the Polls.
Une revendication électorale
Power to the Polls, traduit par “le pouvoir dans les urnes » était le moteur de cette nouvelle vague de marches. L’idée étant de métamorphoser la contestation en véritable mouvement politique. Les élections de mi-mandat, le 6 novembre prochain, représentent un défi, voire un objectif.
Penny a 60 ans, activiste du Massachusetts de longue date, elle a rejoint cette année “Women Raise”, un collectif qui veut encourager les femmes à se présenter aux élections. Elle a été choisie pour être porte-parole de la marche de sa commune. “Si des femmes ont toujours peur de se présenter aux élections, c’est qu’il reste encore beaucoup à faire !” s’exclame-t-elle, “Il faut amener les gens aux urnes, inciter les jeunes au vote, tenir des débats… Seulement 54% des électeurs se sont rendus aux urnes pour la présidentielle. Qui parle aux 46% autres ?”. Pour elle, la meilleure façon de répondre à l’irrespect de ces “hommes arrogants” et d’“écraser le patriarcat”, c’est de les écarter de leurs fonctions par le vote. “Il est temps de faire la différence !”
Une journée de marche peut encourager les gens à travailler les 364 jours restants afin de dénoncer le racisme, la discrimination et le sexisme – Penny Ricketts, porte-parole d’une Women’s March de la Nouvelle-Angleterre
Marcher pour s’entraider
De Washington DC à Los Angeles en passant par l’Alaska, la Women’s March réunissait femmes et hommes de toutes les ethnies. Petits et grands ont défilé dans une ambiance aussi revendicatrice que chaleureuse, enveloppés par un vent de solidarité et d’espoir. Sandor Lorange, étudiant en sciences politiques, marchait à New York aux côtés des 200 000 autres manifestants : “L’atmosphère des rues était électrique tout en étant bienfaisante. On aurait simplement dit que les gens se réunissaient là, pour accomplir une bonne action”.
Eve Brown-Waite, quelques Etats plus loin, confirme ce sentiment : “L’ambiance de ces marches est toujours merveilleuse ! C’est toujours réconfortant d’être entourée de personnes qui se sentent comme vous !”. La motivation principale de tous ces participants était de se montrer solidaires et unifiés. Après la libération de la parole au travers du phénomène #MeToo, qui a mis sur le devant de la scène le fléau du harcèlement sexuel, une volonté de s’unir et de s’entraider n’a fait qu’augmenter. “Nous devons nous soutenir les unes les autres. Nous devons croire les uns en les autres. Nous avons déjà parcouru un long chemin, mais il nous reste encore un long chemin à parcourir. Quand on sait qu’on n’est pas seul, c’est toujours motivant !” proclame joyeusement Penny Rickett, la manifestante porte-parole.
Ces marches publiques renforcent mon sentiment d’appartenance à un groupe qui cherche une solution – Christine Perham, manifestante du Massachusetts
La marche, pratique historique
Marcher est un moyen parmi tant d’autres de protester, de se faire entendre ou de s’unir. Dans un contexte américain le terme “march” a une connotation politique et une rhétorique solennelle. Très répandue aux Etats-Unis, la pratique de la march est une façon -traditionnelle et historique- de “définir son statut, d’exprimer son identité dans l’espace public et d’afficher son adhésion aux valeurs de la nation républicaine” précise Marianne Debouzy dans son ouvrage Les marches de protestation aux États-Unis. Elles sont bien souvent le miroir de la méfiance à l’égard du politique. Eve, l’activiste du Massachusetts, confirme cette tradition. Pour elle, marcher renvoie à une idée de cohésion face au système hermétique américain. “Pour être honnête, la marche n’est pas un moyen d’être entendu par le gouvernement, car le gouvernement ne nous écoute pas. La marche, c’est un moyen pour nous de nous rappeler que nous sommes toujours là, attentifs et en colère !” En effet, les réactions du gouvernement ont été minimes. Comme à son habitude, Donald Trump a consacré un tweet à l’évènement … parlant du beau temps.
«Une belle météo partout dans le pays, une journée parfaite pour que toutes les femmes puissent marcher. Sortez pour célébrer les étapes historiques, le succès économique sans précédent et la création de richesses qui ont lieu ces douze derniers mois. Le taux de chômage chez les femmes est au plus bas depuis 18 ans !»
Continuer de faire jaillir ce flow de parole
Trump tente de jour en jour de réduire les droits des femmes à disposer de leurs corps librement. Au delà de ses propos haineux et méprisants envers les femmes, il menace de mettre fin au remboursement de la pilule contraceptive ou de réduire les droits à l’avortement. Dans le pays qui prône la liberté, la situation des femmes n’a jamais été aussi menacée qu’en 2017.
La libération de la parole à travers le hashtag #MeToo a (r)éveillé les consciences, comme le témoigne Christine manifestante à Greenfield dans le Massachusetts : “Je pense que les femmes ont pris conscience que nous devons nous soutenir et nous unir dans cette quête d’égalité et de respect”. Alors que la parole a jailli sur les marches d’Hollywood, des chuchotements se font entendre dans les organes politiques ; mais il reste encore ces milliers de femmes qui peinent à se faire entendre. Penny s’interroge : “Hollywood est une chose, je me demande si les femmes dans les grandes entreprises, les écoles ou les bureaux sentent qu’elles peuvent maintenant parler ! ”
Comme l’a si bien résumé Sandor, l’étudiant New Yorkais : “Nobody has to be afraid to stand up. Keep on resisting, America.”