REPORTAGE. Agriculteurs en herbe dans les Hauts-de-France, Simon Guéret (19 ans) et Maxime Vanoye (20 ans) ont des projets plein la tête. Création d’une entreprise de travaux agricoles, reprise de la ferme familiale… Ils n’en oublient pas moins les difficultés du milieu agricole. Nous les avons interrogés sur leurs ambitions et leurs craintes, en tant qu’agriculteurs de demain.
À première vue, difficile d’approcher les deux étudiants, débordés par le travail. En pleine période de moisson, leur emploi du temps est au complet. Mais l’envie de partager leur quotidien et de communiquer leur passion a pris le dessus. Depuis la sortie du film choc d’Édouard Bergeon Au nom de la terre, la question agricole a tenté de réémerger dans l’actualité. Quid de l’arrivée d’une nouvelle génération dans le milieu.
L’agriculture comme héritage
« L’agriculture ou rien », ainsi pourrait-on résumer les propos de Simon et Maxime. Il suffit de les entendre parler pour ressentir la passion qui les anime. Le monde agricole est loin d’être un choix, c’est une nécessité, les poussant à le voir autrement que par ses difficultés. Tous les deux sont tombés dans le « chaudron agricole » très tôt, grâce à leur famille.
Petit, Simon joue dans les bâtiments de la ferme de son grand-père, dans les Deux-Sèvres. « Je donnais à manger le matin aux bêtes, je bougeais les bêtes dans les pâtures », explique-t-il. Quant à Maxime, il a grandi en Picardie où les terres sont transmises de génération en génération : « au début tu tiens le volant sur les genoux de Papa, après Papa te laisse le tracteur pour aller dans les champs ». Aujourd’hui, leurs responsabilités ont augmenté, et leur engouement aussi. « J’adore aller dans les champs avec la machine, faire les cultures, passer des heures entières dans le tracteur », confie Simon.
Travailler le sol, c’est tout un art… Plus je travaille dans mon champ, plus je suis heureux.
Simon Guéret
De nouveaux enjeux à maîtriser
Même s’ils restent confiants pour l’avenir, la liste est longue lorsqu’on aborde les problèmes rencontrés dans le milieu agricole. Des revenus stagnants ou à la baisse, c’est le problème qui revient le plus nettement, en comparaison du prix du matériel, des assurances ou des terres qui ne cesse d’augmenter. L’endettement est le pire des risques, entraînant parfois la disparition de la ferme. Un phénomène particulièrement présent dans les Hauts-de-France où les « petites fermes » se font racheter par de plus grosses structures. « Quand tu as cinquante hectares dans le nord de la France, tu ne survis pas plus de deux ans », déplore Simon.
Maxime remarque aussi une augmentation de la partie administrative de l’agriculture, qui complique et allonge le travail de l’agriculteur : « il y a de plus en plus de paperasse, tu passes quatre ou cinq fois plus de temps dans un bureau qu’avant ». À cela s’ajoute le manque de main d’œuvre et le risque d’accident avec les machines, dont Maxime et Simon sont témoins chaque jour.
Les revenus des agriculteurs n’évoluent pas depuis des années mais tout coûte de plus en plus cher.
Maxime Vanoye
Sentiment d’abandon et rejet des décisions politiques
Une fois le sujet du bio abordé, une certaine colère — qui n’avait pas eu lieu jusqu’à présent — se fait sentir. Les deux jeunes hommes comprennent les envies des consommateurs, mais souhaitent qu’ils comprennent la complexité de l’agriculture biologique. « Les gens ne se rendent pas compte que ça demande énormément de travail », affirme Maxime. Selon lui, la différence de rendement est colossale, la rentabilité n’est donc possible que si l’alignement des prix l’est, mais ce n’est pas toujours le cas. « On ne peut pas s’en sortir qu’avec ça, on ne peut pas passer du tout au tout, c’est impossible, on ne pourra pas faire à 100% du bio », poursuit Maxime.
Si le bio semble trop mis en avant, la souffrance et le travail des agriculteurs sont oubliés selon Maxime. Une incompréhension partagée par Simon qui dénonce les traités de libre-échange (notamment le CETA, ndlr) ratifiés récemment par l’Assemblée Nationale : « on a tout ce qu’il nous faut en France, on n’a pas besoin d’aller chercher autre part. C’est bien de développer les échanges commerciaux mais pas tout ce qui touche à l’agriculture ».
Avec les contrôles, on ne peut pas faire n’importe quoi, c’est de plus en plus quadrillé. Qu’on arrête de dire que les agriculteurs balancent tout et n’importe quoi dans les champs, c’est pas vrai.
Maxime Vanoye
Le réchauffement climatique, une inquiétude
« Comment vont se passer les prochaines années ? Qu’est-ce qu’on va faire s’il ne pleut plus ? » s’inquiète Maxime lorsqu’on l’interroge sur l’impact du changement climatique sur les cultures. Même s’ils n’ont pas la certitude que tous les aléas climatiques y soient liés, les deux étudiants dressent le même constat : les saisons ne sont plus les mêmes depuis quelques temps : décalées ou modifiées. « Il y a de moins en moins d’hivers, il ne neige quasiment plus, il ne gèle plus très fort, on le ressent depuis plusieurs années, les terres n’hivernent pas », explique Maxime.
Le réchauffement climatique a une répercussion directe sur la production et donne une charge de travail supplémentaire aux agriculteurs, obligés de remédier aux dégâts causés par la météo. « Les cultures souffrent… Pour les pommes de terre, on a été obligés de les arroser davantage. On a de plus en plus de mal à préparer les sols au printemps parce qu’une terre qui n’hiverne pas a du mal à se préparer », poursuit Maxime.
Aujourd’hui, on ne se projette plus autant qu’avant. On subit le changement climatique, notre métier dépend de ça.
Maxime Vanoye
Malgré les difficultés, Maxime et Simon continuent à croire en l’agriculture. Ils restent globalement confiants quant à l’avenir de l’agriculture, mais « il va falloir être riche » ironise Simon. Maxime reste optimiste : « on a toujours su s’en sortir, je ne vois pas pourquoi ça changerait ».