POLITIQUE. La charte graphique du gouvernement faisait totalement peau neuve, ou presque, dès janvier dernier. WorldZine revient sur cette petite révolution, à deux vitesses, qui bouscule les uses et coutumes des institutions.
En septembre 2018, la présidence de la République offrait un petit toilettage à son identité visuelle d’un autre temps. Un an et demi après, c’est au tour de l’État de lui emboîter le pas. Comme vous l’avez peut-être remarqué, depuis fin janvier 2020, logos, entêtes et vidéos des différents ministères, préfectures et autres représentations gouvernementales ont quelque peu changé de visage.
Les maisons « France services » sont les premières institutions à avoir utilisé ce nouveau design, dès le 1er janvier. Le but : rationaliser au maximum la communication gouvernementale. Si jusque-là, elle pouvait sembler disparate d’un service à l’autre, le gouvernement a désormais en tête l’objectif assumé de rendre son travail plus lisible. Et sa stratégie en communication n’en est que plus cohérente.
Simplifiée et tonifiée : la Marianne de demain
Concrètement, Marianne prend un peu de hauteur et gagne surtout en souplesse. Elle serait a priori plus dynamique et « humaine ». Ses couleurs sont aussi plus vives qu’auparavant. Fini les rectangles blancs superposés, agglutinant le logo républicain avec la titulature des administrations concernées. Exit également pour la mention systématique « République française ». La devise prend plus de place : trois lignes lui sont désormais dédiées. La communication gouvernementale, longtemps cantonnée au « bloc-marque » et à sa rigidité légendaire, signe donc un rebranding à la hauteur des enjeux de ce début du XXIème siècle.
L’objectif de cette stratégie est de redonner un peu de modernité et de lisibilité, mais surtout de renforcer l’harmonie entre les institutions gouvernementales, qu’elles soient basées en France ou à l’étranger. Une unification qui, à l’heure du numérique, passe surtout par les réseaux sociaux. Toutes les institutions françaises disposant au moins d’un compte officiel ont, courant février, dû changer leur photographie de profil avec la nouvelle Marianne. Et curieusement, aucune représentation de l’État ne semble avoir dérogé à la règle : des ministères aux (sous-)préfectures, en passant par les ambassades et autres rectorats académiques. En parallèle, le cabinet du premier ministre a appelé à plus de continuité. Les préfectures et diverses directions générales doivent ainsi renommer systématiquement leurs comptes avec des modèles prédéfinis, du type @prefetnumérodudépartement.
Mais la simplification ne se fait pas qu’à l’échelle du visuel. Dans la guerre perpétuelle de l’image, tout est bon à prendre. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement a sommé les services de l’État d’adopter des formules de phrase beaucoup plus simples dans leurs courriers officiels. Quitte parfois à faire une croix sur la richesse de la langue française. Néanmoins, cette politique a l’ambition de gommer un biais bien connu de la bureaucratie : celui des formulations parfois trop pompeuses.
Un « relooking » lent et moyennement respecté
Logiquement, le site officiel du gouvernement a été le premier à se plier à la règle d’unification graphique. S’en est suivi celui du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Mais il faut bien se l’avouer, même parmi les « bons élèves », décerner un bonnet d’âne est parfois nécessaire. Si le nouveau logo est fièrement arboré par l’administration de Jean-Michel Blanquer, la police d’écriture de son site reste celle propre au ministère. Il faut dire que celle-ci n’existe que depuis un peu plus d’un an. Idem pour le site vie-publique.fr qui vient tout juste de revoir sa charte graphique, sans pour autant utiliser le nouveau logo étatique. Une parfaite illustration de la lenteur administrative. Ne parlons même pas des vidéos postées sur les réseaux sociaux par la Culture ou les Armées, qui commencent tout juste à se plier, timidement, aux nouvelles règles.
Notez d’ailleurs qu’une typographique inédite — sobrement dénommée Marianne — a été créée spécialement à l’occasion de cette modernisation gouvernementale. Alors pourquoi ne pas pousser la cohérence jusqu’au bout ? Et pourquoi ne pas la faire adopter par tous les sites officiels de l’État ?
Les sites internet des ministères de l’Intérieur et de la Santé sont quant à eux restés aux standards antérieurs. Pourtant, ce sont les pages gouvernementales les plus consultées en ce moment. N’ayez crainte si les changements évoqués ne sont pas effectifs sur les sites que vous avez l’habitude de visiter. À l’heure actuelle, les trois quarts des sites étatiques n’ont pas modifié leur identité. Il y a encore beaucoup de travail, le coronavirus n’ayant pas dû arranger l’affaire.
De toute façon, muer d’un corps à l’autre est un travail de longue haleine, et ce n’est pas l’État qui vous dira le contraire. Le site legifrance.gouv.fr, par exemple, semble être figé au début des années 1990, ayant à peine été impacté par la précédente refonte graphique du gouvernement Jospin. Pas étonnant. Il suffit d’ailleurs de s’intéresser quelques instants aux différents sites officiels de l’État, de se rappeler de ses années passées sur les bancs de l’école ou mieux encore : de travailler pour une institution, pour se rendre compte, au quotidien, que le retard numérique de l’État français est notoire.